Ce sixième article fait partie d’une suite d’articles résumant le rapport récemment publié par un consortium d’ONGs. Ce rapport traite l’impact de l’incinération sur l’environnement, la santé humaine et le climat. Pour rappel le rapport complet est disponible ici.
Ici je vais parcourir les sections sur les alternatives à l’incinération majoritairement.
Les ordures ménagères
Il est toujours préférable d’éviter de produire un déchet plutôt que de l’incinérer ou le mettre en décharge. – Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas – Même si c’est un avis très largement partagé par les acteurs de la gestion de déchets (Calitom) ou des associations comme Charente Nature et Zero Waste, peu semble être fait pour éviter le déchet à la base. Il faudrait éviter la consommation de produits jetables ou des produits excessivement emballés. Il faudrait préférer l’achat de produits réparables et recyclables. Certes, une recyclerie verra le jour bientôt à Angoulême, mais celle-ci n’empêchera en rien l’achat de barquettes de viande, brioches triplement emballées ou les bouteilles de lait non recyclables récemment remis sur le marché par la grande distribution.
Faire attention à ce qu’on achète permet de faire des économies d’énergie, des économies sur les matières premières et baisse aussi des émissions qui ont lieu durant la production et la consommation. Une fois que le déchet existe, le mieux est de séparer et recycler les matériaux pouvant l’être. Le restant est souvent brulé pour récupérer un peu d’énergie, mais avec des rendements faibles et une perte certaine de ressources. Ce qui est totalement ignoré aussi est que l’énergie nécessaire pour extraire les matières premières, la production du produit, le transport est perdue quand le produit est incinéré. Les décharges renferment des ressources de déchets mais produisent aussi du méthane. Ces émissions peuvent être extraites pour produire de l’électricité – mais le problème des décharges reste la pollution des nappes phréatique.
Regardons l’hierarchie du 0 déchet par Zero Waste Europe pas à pas:

Refusez ce dont nous n’avons pas besoin et changeons notre manière de produire en réinventant les business models, biens et le packaging afin de réduire l’utilisation de ressources.
C’est typiquement ce sur point le plus important que je ne vois que très très peu d’actions dans ma vie de tous les jours.

Réduire et réutiliser. Il s’agit de minimiser les quantités, la toxicité et l’empreinte écologique et toute opération par laquelle les produits ou leurs composant sont utilisés pour la même finalité pour laquelle ils étaient fabriqués.

Tout composant ou produit devenant déchet est préparé, vérifié, nettoyé ou réparé afin de pouvoir les réutiliser sans d’autres procès intermédiaire.

C’est le recyclage et compostage, qui est décrit ici.

Les technologies pour récupérer des matériaux des déchets (mélanges) d’une manière raisonnable pour l’environnement.

Ce qui ne peut être récupéré des déchets est stabilisé avant une mise en décharge

Inacceptable: les options qui ne permettent pas la récupération ont un impact fort sur l’environnement. Ils créent un effet lock-in qui empêche une transition vers le zéro déchet. Ces options sont: l’incinération, co-incinération, plastiques en combustible, la mise en décharge de déchets non stabilisés, gasification, pyrolyse etc
Comme à Angoulême, on vend l’incinération comme la solution idéale pour éviter la mise en décharge. Mais ce qui n’est pas mentionné est que l’incinération produit des déchets à mettre en décharge eux mêmes. Une partie même dans des décharges spéciales pour déchets toxiques. Même si les cendres des incinérateurs ne sont aujourd’hui pas considérés comme toxiques il est probable que cette évaluation changera à l’avenir avec l’arrivée de nouvelles critères et mesures.
Une gestion idéale des déchets est une approche zero déchet, qui implémente les principes cités dessus plutôt que de mettre en décharge. Le but est de minimiser la quantité de déchets nécessitant une mise en décharge ou l’incinération.
En général on trie les déchets, on composte ce qui est biodégradable, et on recycle d’autre déchets (verre, plastique, métaux et autres). Une partie importante est d’utiliser une partie de ces produits après une réparation, nettoyage ou modification. Actuellement nous ne pouvons pas arriver à un système complètement sans déchets et que les déchets qui ne peuvent pas être réemployés contiennent des substances toxiques. Il faudrait repenser le fabrication des produits pour devenir recyclables, exemptes de substances toxiques.
Si on adaptait ce genre de principe zéro déchet toute fuite de substance toxique, dioxines ou autres polluants diminuera logiquement et « automagiquement ». Une étude en Europe central et de l’est a essayé d’estimer cette réduction de pollution en 2006. A Palarikovo en Slovaquie un système de 0 zéro déchets a permis de réduire les déchets mis en décharge de 1300 tonnes (1995) à 330 tonnes (2005). Rappelons que l’incinération divise le tonnage que par trois, par exemple et nécessite tout de même la mise en décharge et n’incite pas à la réduction des déchets.
L’implémentation des approches zéro déchets est plus complexe à mettre en oeuvre, car il faut actuellement la motivation du citoyen et la responsabilité de ce que les gens achètent et combien de déchets ils produisent. Malgré tout ce n’est pas suffisant – certains règlements doivent être émis par le législateur, comme par exemple la réduction de substances toxiques dans les produits eux mêmes et bien d’autres. De nouvelles législations sont en genèse et / ou en place demandant un design écologique de produits, augmentant la durée de vie, la réparabilité et la recyclabilité).
La toute première région à adopter une approche zéro déchet était la capitale Australienne Canberra – en 1996 (nous n’avons que 30 ans de retard). Depuis d’autres villes et régions ont rejoint ce concept.
Trevise, Italie
Un bon exemple dans la pratique du zéro déchet est l’entreprise Contarina qui gère les déchets dans la province de Treviso avec une population de 550000 habitants et une superficie de 1300km2 (le double du Grand Angoulême). L’entreprise gère les déchets de toute cette région.
Les déchets sont triés en cinq catégories: déchets humides, packaging (plastique, verre, métaux), papier, déchets biologiques végétaux et déchets mélangés. Il y a 49 centres de collectes pour d’autres types de déchets. La production totale des déchets est de 413 kg par habitant (en excluant les déchets des gros centres commerciaux). En 2020 presque 90% de tous les déchets de la région était triés. La production annuelle par habitant de déchets mélangé était seulement de 42kg – bien inférieur des 193kg en Italie, 260 en République Tchèque ou les 173kg des Charentais. Les déchets humides, plantes et biologiques sont compostés, le papier et emballages sont triés et envoyé pour une réutilisation. Même les couches sont traités. A partir d’une tonne de matériel 150kg de pulpe sont générées , 75kg de plastique et 75kg de matériaux absorbants. Depuis 2020 les produits issus de ces processus de réemploi sont certifiés et peuvent être mis sur le marché. Contaria peut traiter même des déchets issus des nettoyage des rues.
Le tri efficace est permis à travers de campagnes de sensibilisation, des systèmes de collecte et de la motivation des habitants. C’est l’entreprise elle même qui établit des programmes de sensibilisation et a même inauguré une académie pour les enfants et les employés de l’entreprise.
Chaque foyer a sa poubelle avec une puce intégrée et son propre compte pour suivre leur production des déchets. La redevance est composée à 60% d’une partie fixe pour toute la région et un montant variable en fonction de la production des déchets. Les foyers qui compostent à la maison ont une réduction de 30% sur la redevance. Tout enlèvement des déchets biologiques engendre des frais pour le foyer. En 2020, le montant moyen payé par foyer était de 196€, ou 80€ par habitant. A titre indicatif, j’ai payé quasiment 400€ en 2024 pour les ordures ménagères avec les taxes foncières à Saint-Yrieix-sur-Charente. Il est tout tracé que cette redevance augmentera avec une continuité d’enfouissement et avec l’incinération chez nous.
Contarina est un exemple à suivre sur le plan de la gestion des déchets mais aussi sur la collecte et la gestion de l’entreprise elle même. L’entreprise a pour but de suivre les objectifs de développement durable de l’UN en 2030 – une année après que nous aurions mis notre incinérateur en marche et pas avancé du tout vers ce type d’approche.
Vrhnika, Solvénie
En Slovénie on a commencé par s’occuper des décharges problématiques depuis 1994. Ceci a pour conséquence qu’en 2004 les frais de mis en décharge ont été fortement augmentés (ça me rappelle encore notre situation ici). La ville de Vrhnika a décidé d’implémenter un système de collecte et de tri. Ils ont réussi à baisser les dépenses pour les mises en décharge de plus de moitié. En 2003 la production de déchets par habitant était encore autour de 200kg et a pu être baissé à 80kg en 2013 déjà. En 2018, 83% des déchets sont triés.
Au début le tri s’étendait sur le verre, papier, carton, plastique, emballages en métal, ordures restantes, déchets organiques, déchets dangereux, déchets encombrants, déchets de construction et déchets de démolition. Les déchets recyclables ont été collectés dans les rues dans des écostations prévues à cet effet. A partir de 2020 les habitants ont du amener leurs déchets directement au centre de tri et collecte. En contrepartie ils recevaient des points en fonction du poids de leur déchets – on gagne de l’argent si on produit peu de déchets. Grâce à ce système les habitants ont amené 30 tonnes de déchets par an par eux mêmes.
L’intensité des enlèvement des ordures ménagères a été abaissé aussi de une fois par semaine à une fois toutes les deux semaines en 2011 (nous y sommes, en 2024 …). Depuis 2013 ils sont même passés à 1 fois par mois. Déjà actuellement, ma poubelle noire n’est pas remplie même pas après plusieurs mois, loin de là. Je ne fais aucun effort surhumain pour y arriver et cela dans un foyer de 4 personnes avec des enfants.
Les déchets encombrants sont collectés de deux manières. Soit l’habitant peut l’amener ou demander un enlèvement. Tous les déchets encombrants sont désassemblés et les matériaux envoyé en recyclage. Ce recyclage et upcycling a lieu dans un centre appelé DEPO. Ce centre recycle et réemploi les matériaux pour produire des biens qui autrement iraient en décharge. Les objects sont réparés, améliorés ou désassemblés pour récupérer des composants. Les produits sont vendus au grand public à des prix raisonnables.
L’éducation autour de la gestion des déchets commence dès l’école avec des présentations devant au total 1600 élèves de partout de Slovénie. Vrnhika a aussi instauré la mise à disposition de couches réutilisables dans les crèches municipales pour éviter qu’ils finissent en décharge.
Kamikatsu, Japon
J’ai déjà écrit sur cet exemple dans un précédent article, mais le rapport d’Arnika ajoute quelques autres détails à cet exemple Japonais.
Il y avait un incinérateur à Kamikatsu depuis 1991 mais il a fermé en 2001 car la commune n’avait pas les moyens pour intégrer un filtre à dioxines. Et la commune a décidé d’arrêter la mise en décharge systématique des déchets. Les habitants voyaient par eux mêmes les effets néfastes sur la santé et l’environnement de l’incinérateur. Pour cette raison la commune a décidé de mettre en place un programme de 0 déchets. Leur but était de ne plus produire de déchets en 2020. Un projet pilote lancé en 1998 précédait cette phase afin de trier les déchets à la source. Au début 22 catégories de déchets différents on été triés. Ils sont à 45 catégories en 2020. La même année la commune recycle 81% de leurs déchets. Ce fait a permis de faire des économies à la commune (frais de mise en décharge).
Le système à Kamikatsu n’est pas juste construit autour du tri à la source, mais il a également des incitatives financières. La ville a introduit des cartes à point pour le tri. Ces points peuvent être échangés pour des bons d’achats de biens. Il y a des magasins qui prennent des produits, vêtements, biens que les gens ne veulent plus et chacun peut les prendre sans contrepartie. Et quand personne n’en veut de l’objet on peut les amener en usine où l’objet peut être transformé (peluche à partir d’un vieux Kimono). Les habitants ont construit un centre ville uniquement à partir de matériaux recyclés.

On peut observer trois principes clé à Kamikatsu: recyclage et la réutilisation suite à une séparation des matériaux, une coopération entre habitants et le gouvernement pour réduire les frais de gestion de déchets, et encourager les producteurs de bien de le faire de manière durable, car les 19% des déchets restants ne sont pas recyclables.
Je pense qu’il y a bien-sûr beaucoup de bons exemples et initiatives à prendre de ces communes repartis sur le globe et je suis certain qu’il y en a encore plus. Maintenant il faut un certain courage et une volonté politique ici à Angoulême et au sein de Calitom afin de prendre un chemin plus vertueux que celui prévu jusqu’à maintenant.